Écrits pour jours de pluie

Parce qu'un jour l'averse cessera de tomber.

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Repas entre coloc, With or Without you vient de se lancer et je repense à cette soirée où je vomissais des mots incohérents depuis le département des soins intensifs après avoir été aux portes de la mort cinq heures plus tôt J’ai failli mourir, et maintenant ce n’est qu’un fantôme parmi l’armée de mes souvenirs. « Je vais me suicider », je dis au néerlandais. « Mets Doe Maar, je suis te paris que tu ne connais pas » je dis avec certitude, ma meilleure amie néerlandaise et les disquaires m’ayant montré à multiples reprises que je connaissais mieux leur musique que la plupart des néerlandais. Il ne connait pas et je feins un niveau de surprise approprié. 

Je décide de ne pas jouer au jeu de cartes. Je me suis forcée à venir. J’ai pleuré toute la journée à cause du manque. Je suis déprimée de remarquer qu’une douce soirée ne fait qu’aggraver ma solitude. Elle est si intense, comme-si j’étais la seule personne sur Terre. J’ai encore pleuré discrètement sur le canapé.

 

Sans l’écriture, je ne serais pas à table. L’ambiance tamisée me rappelle les bars à l’ancienne, et l’ex auberge de montage de mon tonton, perdue suite à des conflits de voisinage, remplie de trophées de chasse que je méprise pourtant, mais qui me manquent aujourd’hui comme tout ce qu’on sait qu’on ne verra jamais plus. Ça me donne envie de fumer, comme dans ce à l’ancienne miteux de Heildeberg, en Allemagne, qui autorise encore les cigarettes à l’intérieur. J’y ai volé deux livres pour améliorer mon Allemand. Je ne les ai pas lu, et sans doute jamais parlé Allemand aussi mal de ma vie. L’alcool et les paris nous réchauffent dans l’austérité du froid alsacien.

 

Le sentiment qui est alors le mien ne diffère pas trop de celui que j’ai pu ressentir pendant chacune des festivités amicales auxquelles je suis allée. Vivifiée, intégrée, mais profondément seule, comme marquée du signe de la bête, qui me condamne à ne jamais profiter de l’innocence et de la spontanéité de ces jeux de soirée. Les anglais ont le mot sonder pour décrire la réalisation que tous les inconnus que nous croisons ont une vie indépendante de la notre; mais y en a-t-il un pour celui qui accompagne celle que nous sommes tous condamnées à être seuls à jamais, ayant des tortuosités de notre esprit qui ne seront accessible à personne d’autre que nous, et qui seront effacées à notre mort sans laisser de trace ? Les psychiatres appellent ça Dépression Chronique. Autisme. Trouble de l’attention avec hyperactivité. Moi j’appelle ça la condition humaine, bien que si ce n’était pas pour l’écriture et le langage, je douterais même que ma nature me permette de m’en réclamer. Comme un voyage au bout de la nuit, de l’humanité

 

Ma présence griffonnante dérange. On me supplie presque de jouer, « moi qui connait les cartes ». Je me trompe une première fois, preuve indéniable que je ne suis qu’humaine – en oubliant que cela a été la seule erreur. S’il faut lire les gens, alors ce n’est pas difficile. Le comportement humain, c’est comme une langue apprise sur le tard : à jamais plus facile à comprendre qu’à parler soi-même.

 

Sur un dernier éclat de rire, je me retire. Pourquoi je ne reste pas ? Je ne peux plus contenir les émotions qui sont miennes. Je me demande si je ne saurais jamais un jour recevoir l’amour que l’on me porte et ses défaillances. Dans ma vie je suis comme dans une gare, éternelle voyageuse en correspondance, en attente d’appartenance.

Barbara Ferreres
Author: Barbara Ferreres

I’m an eatherable mass belonging to nowhere (better known as Barbara Ferreres) and the unreliable narrator of its own descent into the margins of society. It’s not that badn you should come and grab a tea sometimes. I love working with people, email me at tombelapluiepoetry@gmail.com. I would love it!

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