Je ne sais pas à quoi m’attendre pour demain, j’ai été pas mal baladée à Strasbourg et à Perpignan, la le csapa me propose direct un rendez vous infirmier + médecin pour induction methadone avec mes test pipi bien positif ?
Serait ce la fin du calvere, pour moi qui suis trop amoureuse de l’héroïne pour m’en défaire ? Je ne sais pas trop. En tous cas au fond du tunnel un peu de lumière. C’est con mais je sais qu’avec la metha j’ai l’opportunité de rechuter si j’ai envie et même si maintenant j’ai désespérément besoin de stabilité et d’économies financières c’est rassurant cette idée même si je tiens à me tenir au traitement. C’est paradoxal quand même ? Le Subutex à côté ça me fait peur. J’ai lu Vernon Subutex de Despentes pourtant. On m’a dit que c’était bien. Mais ça me fait peur. Je me dis que l’idéal ce serait l’héroïne médicale, mais c’est déjà pas mal qu’on conserve nos droits, on a eu de la chance avec le passage du Nouveau Front Populaire dimanche, va falloir attendre pour en avoir des nouveaux parce que le rassemblement national n’est pas trop fan des heroinomanes.
Pas glam, mais je vais penser à demander le médicament sous ordonnance pour les constipations liées aux opi si c’est possible. Je crois que c’est l’aspect qui m’emmerde le plus. Manquerait plus que ça me conduise à l’hosto.
Ça se passe mieux aussi niveaux relations familiales, avec ma mère et ma sœur en tous cas.
M’éloigner à permis à nous deux de guérir. J’en ai reparlé à ma mère. Je lui ai dit que je pouvais pas toujours rester clean, que je rechutais tout le temps, et que j’avais besoin de pouvoir consommer pour avoir l’aide et la substitution dont j’ai besoin, car ne rien avoir me donnait envie de me mutiler ou de me flinguer. Elle a pleuré. Je l’ai consolée. Je l’ai écoutée. Je lui dis ce que je commande, où, en combien de lettres, et en quelle quantité. Elle manage un peu un mais pas trop, juste ce qu’il faut pour qu’elle reste à l’aise. Si je fais un écart je lui dis. Elle se doute que j’ai continué mes conso en étant loin.
Mais même si ça fait du mal ça fait du bien que chacun puisse s’exprimer sur les difficultés liées au sujet sans se disputer, car c’est min addiction mais elle vit quand même avec et je sais que c’est dur pour elle en tant que mère. Que j’ai pas osé lui en parlé, puis même si elle comprend elle me dit « je peux pas m’empêcher de me demander si j’aurais pu faire quelque chose pour t’éviter de tomber ». J’aime pas trop l’allégorie mais je mais de l’eau dans mon vin, je lui fais un câlin et je lui dis que maintenant elle peut m’aider à remonter. Que je vais faire ce qu’il faut pour être digne de confiance, même en ayant des consos. Elle est tellement comprehensive que je n’ aurais jamais imaginé ça possible.
Bien sûr des fois elle me dit que je suis défoncée alors que je le suis pas mais j’ai appris que j’avais pas à m’énerver, parce qu’après tout j’avais tellement menti la dessus que je pouvais lui laisser le bénéfice du doute à condition qu’elle me croit. J’ai l’impression qu’on s’accompagne un peu toutes les deux.
J’angoisse pour demain, j’ai peur de ce qu’il va se passer. De n’avoir encore pour un mois droit à rien, ou en même temps d’avoir le traitement tant attendu. J’ai vécu comme « junkie » (auto proclamée, je déteste quand les autres utilisent ce mot comme insulte, y’a que ma famille qui a le droit de l’ utiliser pour blaguer, ailleurs c’est non, c’est hypocrite je sais) qu’il va falloir que je me reconstruise une identité. Une identité de consommatrice peut être, mais pas d’addict. Mais les années de galère m’ont rendu polymorphe, je suis un chat de gouttière, je me glisse partout, j’obtiens ce que je veux généralement et je retombe sur mes pattes. Alors ça va aller.
J’ai commencé à fréquenter les cercles artistiques de ma mère. J’écris des textes, des slams, j’ai changé de sujet, je me dédie plus juste à la dope, mais être scotchée ça m’a fait prendre du retard et même si c’était super je réalise que je commence à en avoir marre, surtout quand on me dit connaître un éditeur, que il faut absolument qu’on me mentionne quand je les verrais même si ce que je fais est médiocre à mon sens. J’aime trop la came pour avoir l’impression d’être son esclave; mais j’aimerais que ça reste un plaisir et je m’en cache pas.
Faut que j’avoue un truc, la drogue, ça me donne une impression de contrôle. Les doses, les substances, quand. Une pilule, un rail, un plug et on reprend le contrôle sur un psyché trop tumultueux pour être contrôlé sans être mediquée et zombifiée comme je l’ai été. On contrôle sa fatigue, quand on plane, quand on ressent les choses. Et puis je suis devenue dépendante. Je l’ai longtemps nié mais avec l’environnement favorable que j’ai eu et l’aide de mes proches, ce qui relève du privilège, il faudrait que je sois sacrément conne pour continuer de fermer les yeux. Et la le contrôle est perdu. Je veux plus. Je peux plus. Les comptes sont vides. Si je continue c’est la chute aux enfers sans un rond.
Mais aller chez l’addictologue, mettre aux mains de docteurs une chose aussi intime qu’est l’addiction et leur donner le contrôle, c’est aussi flippant. Je sais pas à quelle sauce je vais être mangée ni à quoi m’attendre et je déteste ça. J’essaie de m’accrocher aux promesses d’une vie nouvelle. J’ai perdu mon étincelle. Je compte bien la retrouver.
J’écris là dessus pour casser les clichés du junkie, pour lever le tabou sur l’addiction aux opiacés et sur le tso (traitement de substitution). Je suis fière d’appeler à l’aider et de prendre soin de ma santé mentale.
Barbara ferreres, 2024