Écrits pour jours de pluie – Barbara Ferreres

Auteure, poète et photographe, Sainte Marie la Mer (66140)

Ecrits

  • 08/07/2024 – Demain la methadone

    08/07/2024 – Demain la methadone

    Je ne sais pas à quoi m’attendre pour demain, j’ai été pas mal baladée à Strasbourg et à Perpignan, la le csapa me propose direct un rendez vous infirmier + médecin pour induction methadone avec mes test pipi bien positif ?

    Serait ce la fin du calvere, pour moi qui suis trop amoureuse de l’héroïne pour m’en défaire ? Je ne sais pas trop. En tous cas au fond du tunnel un peu de lumière. C’est con mais je sais qu’avec la metha j’ai l’opportunité de rechuter si j’ai envie et même si maintenant j’ai désespérément besoin de stabilité et d’économies financières c’est rassurant cette idée même si je tiens à me tenir au traitement. C’est paradoxal quand même ? Le Subutex à côté ça me fait peur. J’ai lu Vernon Subutex de Despentes pourtant. On m’a dit que c’était bien. Mais ça me fait peur. Je me dis que l’idéal ce serait l’héroïne médicale, mais c’est déjà pas mal qu’on conserve nos droits, on a eu de la chance avec le passage du Nouveau Front Populaire dimanche, va falloir attendre pour en avoir des nouveaux parce que le rassemblement national n’est pas trop fan des heroinomanes.

    Pas glam, mais je vais penser à demander le médicament sous ordonnance pour les constipations liées aux opi si c’est possible. Je crois que c’est l’aspect qui m’emmerde le plus. Manquerait plus que ça me conduise à l’hosto.

    Ça se passe mieux aussi niveaux relations familiales, avec ma mère et ma sœur en tous cas.

    M’éloigner à permis à nous deux de guérir. J’en ai reparlé à ma mère. Je lui ai dit que je pouvais pas toujours rester clean, que je rechutais tout le temps, et que j’avais besoin de pouvoir consommer pour avoir l’aide et la substitution dont j’ai besoin, car ne rien avoir me donnait envie de me mutiler ou de me flinguer. Elle a pleuré. Je l’ai consolée. Je l’ai écoutée. Je lui dis ce que je commande, où, en combien de lettres, et en quelle quantité. Elle manage un peu un mais pas trop, juste ce qu’il faut pour qu’elle reste à l’aise. Si je fais un écart je lui dis. Elle se doute que j’ai continué mes conso en étant loin.

    Mais même si ça fait du mal ça fait du bien que chacun puisse s’exprimer sur les difficultés liées au sujet sans se disputer, car c’est min addiction mais elle vit quand même avec et je sais que c’est dur pour elle en tant que mère. Que j’ai pas osé lui en parlé, puis même si elle comprend elle me dit « je peux pas m’empêcher de me demander si j’aurais pu faire quelque chose pour t’éviter de tomber ». J’aime pas trop l’allégorie mais je mais de l’eau dans mon vin, je lui fais un câlin et je lui dis que maintenant elle peut m’aider à remonter. Que je vais faire ce qu’il faut pour être digne de confiance, même en ayant des consos. Elle est tellement comprehensive que je n’ aurais jamais imaginé ça possible.

    Bien sûr des fois elle me dit que je suis défoncée alors que je le suis pas mais j’ai appris que j’avais pas à m’énerver, parce qu’après tout j’avais tellement menti la dessus que je pouvais lui laisser le bénéfice du doute à condition qu’elle me croit. J’ai l’impression qu’on s’accompagne un peu toutes les deux.

    J’angoisse pour demain, j’ai peur de ce qu’il va se passer. De n’avoir encore pour un mois droit à rien, ou en même temps d’avoir le traitement tant attendu. J’ai vécu comme « junkie » (auto proclamée, je déteste quand les autres utilisent ce mot comme insulte, y’a que ma famille qui a le droit de l’ utiliser pour blaguer, ailleurs c’est non, c’est hypocrite je sais) qu’il va falloir que je me reconstruise une identité. Une identité de consommatrice peut être, mais pas d’addict. Mais les années de galère m’ont rendu polymorphe, je suis un chat de gouttière, je me glisse partout, j’obtiens ce que je veux généralement et je retombe sur mes pattes. Alors ça va aller.

    J’ai commencé à fréquenter les cercles artistiques de ma mère. J’écris des textes, des slams, j’ai changé de sujet, je me dédie plus juste à la dope, mais être scotchée ça m’a fait prendre du retard et même si c’était super je réalise que je commence à en avoir marre, surtout quand on me dit connaître un éditeur, que il faut absolument qu’on me mentionne quand je les verrais même si ce que je fais est médiocre à mon sens. J’aime trop la came pour avoir l’impression d’être son esclave; mais j’aimerais que ça reste un plaisir et je m’en cache pas.

    Faut que j’avoue un truc, la drogue, ça me donne une impression de contrôle. Les doses, les substances, quand. Une pilule, un rail, un plug et on reprend le contrôle sur un psyché trop tumultueux pour être contrôlé sans être mediquée et zombifiée comme je l’ai été. On contrôle sa fatigue, quand on plane, quand on ressent les choses. Et puis je suis devenue dépendante. Je l’ai longtemps nié mais avec l’environnement favorable que j’ai eu et l’aide de mes proches, ce qui relève du privilège, il faudrait que je sois sacrément conne pour continuer de fermer les yeux. Et la le contrôle est perdu. Je veux plus. Je peux plus. Les comptes sont vides. Si je continue c’est la chute aux enfers sans un rond.

    Mais aller chez l’addictologue, mettre aux mains de docteurs une chose aussi intime qu’est l’addiction et leur donner le contrôle, c’est aussi flippant. Je sais pas à quelle sauce je vais être mangée ni à quoi m’attendre et je déteste ça. J’essaie de m’accrocher aux promesses d’une vie nouvelle. J’ai perdu mon étincelle. Je compte bien la retrouver.

    J’écris là dessus pour casser les clichés du junkie, pour lever le tabou sur l’addiction aux opiacés et sur le tso (traitement de substitution). Je suis fière d’appeler à l’aider et de prendre soin de ma santé mentale.

    Barbara ferreres, 2024


  • La forêt du peintre (Mayder Rusling)

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    La forêt du peintre (Mayder Rusling)

    Commères sont les cimes
    Sur cette nouvelle anonyme
    Combien de couleurs,
    Pour peindre ce singulier chœur,
    Auteur d’une musique
    Qui ne figure sur aucun disque ?

    (suite…)

  • La galerie auguste

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    La galerie auguste

    Venez !
    Laissez vous happer
    Par un auguste palais :
    Un  lieu sans pareil,
    Au milieu du village de Toreilles.

    (suite…)


  • Hiro Arikawa – Au prochain arrêt, ôde aux petites lignes de train

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    Hiro Arikawa – Au prochain arrêt, ôde aux petites lignes de train

    Critique de lecture : Hiro Arikawa, Au prochain arrêt, Actes Sud (2008)

    Traduction française du japonais par Sofie Rèfle

    Avis : 5/5

    Une lecture plaisante, qui se lit le temps d’un trajet en train. J’adore les recueils d’histoires courtes, mais j’ai d’abord été décontenancée car je pensais avoir acheté un roman. C’est finalement avec plaisir que j’ai découvert que ces histoires étaient toutes cousues de manière discrète mais habile – c’est là que l’on reconnaît le talent d’écriture d‘Hiro Arikawa. Finalement, l’auteur japonais nous livre un roman varié mais qui n’a rien de décousu – on pourrait dire qu’il à la forme unie et raccordé d’un train et de ses différentes rames, la forme rejoignant ainsi le fond.

    Chroniques d’un voyageur en train à destination des voyageurs-lecteurs.

    Prenant moi même souvent le train et ayant écrit sur des passages de petite ligne de train régionaux (TER lio occitanie SNCF) que j’emprunte tous les jours, j’ai été touchée de voir un livre se centrer précisément sur ce thème que je rêverais d’aborder. Nous donnant à voir la vie des différents passagers, l’écrivain semble exorciser le questionnement permanent des voyageurs réguliers de ces petites lignes de campagne. Toute personne ayant un jour pris les transports en commun sera amusée de remarquer que chaque heure à sa « faune », ses réguliers, ses habitués, son atmosphère, que les personnages, comme le lecteur, ont appris à connaître par cœur.  Les gares, tout comme le paysage de la ligne, font partie intégrante du tableau, voire semblent devenir des personnages à part entière dans certains passages, nous montrant combien la répétition de ces moments anodins de notre quotidien peut finir par en constituer un bloc important, tout comme les drames ordinaires se jouent dans des lieux ordinaires, que nous empruntons tous les jours.

    Lire aussi :
    Septembre 2023 – Dernier Ter Montpellier-Perpignan avant longtemps
    The train traveler (la voyageuse du train) – photodiary #1

    À mon sens, présenter comme pour un trajet un aller et un retour est le point fort de Au prochain arrêt, car c’est cet aspect qui permet d’unifier et de donner leur plein sens aux histoires présentées. Une autre réussite du roman à mon sens est de s’inspirer d’une ligne de train qui existe réellement au Japon (la ligne Takarazuka – Nishinomiya), ce qui permet au lecteur de faire ce « pélerinage » s’il en a envie et d’en découvrir de ses yeux les paysages décrits au fil des saisons. Finalement, c’est à se demander si le train ne jouerait pas ici un rôle symbolique : présentant des personnes parfois perdues dans leur vie ou à des moments de changement, que le train vient diriger, provoquer ou accompagner.

    Au prochain arrêt : introspection

    J’irais jusqu’à projeter un peu : je me suis toujours sentie entre deux mondes. C’est pourquoi j’aime autant les trains, qui font office d’entre-deux entre de périodes de mouvements et de décisions à prendre. Parce que c’est un endroit en mouvement dans lequel le passager n’a pas d’autre choix que de rester assis, il se fait le lieu idéal de l’introspection et de la méditation sur soi-même et l’existence – ainsi, celle qu’Hiro Arikawa écrit dans Au prochain arrêt fait office d’invitation pour le lecteur à faire de même. Mais après avoir posé le livre… On se dit qu’on s’arrêtera au prochain arrêt, pour se retrouver à faire l’aller-retour complet. L’invitation à s’arrêter dans notre quotidien occupé (peut-être pour prendre le livre) se situe dans le titre même.

    Un pépite propre à la littérature japonaise

    Au prochain arrêt réussi un tour de force que je n’ai jusque-là trouvé que dans la littérature japonaise : écrire un roman à l’atmosphère douce, nostalgique et quotidienne, qui vient pourtant aborder les sujets les plus mondains comme les plus sensibles. Il faut beaucoup de talent et de style pour arriver à écrire sur un sujet aussi banal qu’un train sans ennuyer le lecteur. Plein de sagesse et infiniment vivant, qui a lu Hiro Arikawa prendra désormais les transports en commun en regardant son écosystème autrement.

    Barbara Ferreres, 2024, tous droits réservés.

    Voir sur : GoodreadsBabelio


  • 23/06/2024 – De l’ennui

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    23/06/2024 – De l’ennui

    Si aujourd’hui j’écris, c’est pour poncer une énième fois, sous vos yeux ébahis, la pierre déjà trop polie qu’est celle de l’ennui. Nous avons tous toujours quelque chose de mieux à faire, pour finir englués dans cette sorte de paradoxale immobilité que je vous vois imaginer pendant que je parle. Invraisemblable, mais les voies du Seigneur son impénétrables (cf les milliers d’années de débats qui sont loin d’être terminés).

    Cocteau a dit : il vaut mieux mieux une journée à ne pas produire un écrit de qualité plutôt que de rester à penser, pourvu qu’on écrire (La condition humaine). Alors me voici, époussetant mon torchon (lequel ? dirait ma professeure de concours ministériels) pour polir une deuxième catégorie de poncifs.

    L’ennui et l’envie, quel cliché !

    Dans l’ennui se retrouve fondamentalement un manque d’envie. L’envie me manque couramment – sauf celle d’aller me soulager. Je disais dans un précédent journal que l’écrit était vomi (08/04/2024 – Vomir dans le Thalys), dans le slam Strasbourg tu m’as saoulé que je prenais le merdier d’un endroit donné. Un psychothérapeute fatigué y verrait un lien qui dépasse le royaume des idées. Voici ce que j’en pense : « Comment creuser l’essence de l’existence quand on est par le spleen cloué au lit ? »

    Baudelaire prend souvent de grands airs – regardez un portrait et vous comprendrez que comme moi il n’avait pas d’autres choix. Il répond pourtant très justement à cette question : qui est sujet au spleen, à l’addiction, ou est ivre de quoi que ce soit d’autre, n’est pas en capacité d’écrire. C’est un temps qui vient après. Ah ! Encore un cliché. Il faut bien qu’on vienne s’assurer qu’ils soient dépoussiérés. Faute de balayer devant ma porte physiquement, je peux au moins le faire métaphoriquement.

    En attendant des jours plus captivants je finirais sur une histoire vraie – encore, cette fois-ci non pas dans le secondaire, mais au niveau universitaire.

    Un parcours universitaire : d’une licence arts plastiques à une licence lettres modernes

    L’art de retomber après un raté (de la réorientation)

    J’ai commencer la création avec le dessin, les arts, que je suis entrée à l’université pour étudié en licence arts plastiques. Finalement, ce ne sont pas que les résultats qui m’ont poussée à me réorienter, mais un sentiment d’inadéquation permanent. J’ai changé pour la licence Lettres modernes sans trop y regarder, ce qui n’aurait rien changé vu mon parcours après mon master études culturelles.

    Je trainais mon fantôme d’artiste raté comme un boulet. Après ma licence d’arts, je n’ai plus jamais dessiné quoi que ce soit qui soit digne d’intérêt. Tué, fusillé, j’errais comme une âme en peine avant de découvrir que je pouvais écrire.

    D’ailleurs, ça m’a beaucoup appris de me gourer : je remercie sans aucune ironie papa et belle-maman de m’avoir laissé foncer.

    « Les humanités, c’est pour les ratés »

    Comme si arts plastiques c’était déjà pas assez, en me voyant choisir une autre « filière chômage » (quelle blague, j’ai eu tellement de chômage que j’en ai fait un burn-out, regardez comme je suis incroyable ! ». Ah mais les humanités c’est bouchés, c’est pour les ratés. Comme si ça l’était pas à court terme pour ma soeur et ses confrères, qui ont refusé des contrats prometteurs… Mais eux ils font nucléaire, pas littéraire !, au moins ça donne ce que ma grand-mère appelait « une situation ».

    Retour à l’ennui (le tour des clichés)

    C’est pas grave, je suis un chat de gouttière, j’ai déjà une situation. Les réflexions je me les carre dans le fion, c’est bon pour le transit et ça me permet d’écouter, lire, pour mieux voir ce que l’on ne veut/peux dire pour mieux l’écrire.

    Lire aussi :
    Luba Jurgenson, Sortir de chez soi – Une lettre d’amour aux écrivains passeurs des textes
    09/06/2024 – Si je fleuris, traduis, écris, c’est grâce à mon sale caractère…
    29/07/2023 – Tribulations nocturnes à deux heures du matin

    L’ennui, part fondamentale du processus créatif

    Ce qui nous amène au fond de mon propos : l’ennui est primordial. Il est premier dans la création, l’écriture. Il permet d’ajouter de nouvelles cordes à son arc. Parfois il faut prendre de s’ennuyer pendant un projet, et débiaboliser le phénomène de la page blanche. Dans ces cas là, faites comme Virginia Woolf : marchez, lisez (Virginia WOOLF, Journal d’un écrivain, 10-18). Elle aussi intégrait de grandes périodes d’ennui dans son processus créatif, et c’est désormais une des plus grandes autrices en langue anglaise.

    Surtout, dans une société capitaliste qui nous demande d’être toujours plus productifs, d’effectuer un acte de rébellion qui parait inoffensif, mais reste pourtant fondamentalement nécessaire. Le contraire revient à vendre son art au capital.

    Si vous préférez, c’est ce qui vous faire dire quand vous écoutez un chanteur connu depuis un temps « c’était mieux avant« . Alors, bon sang, laissez leur le temps d’être fainéants !

    En tous cas, attendez moi ou pas, je continuerai à poncer.

    Barbara Ferreres, 2024, Tous droits réservés.

    Photo : Barbara Ferreres, 2024, tous droits réservés. Station de métro Bellecour à Lyon (panneau lumineux). Appareil photo numérique fujifilm XS-10 objectif fujinon 15-45mm, édité avec l’aide d’adobe lightroom, vaporgram et glitch cam (oui faut que je prenne des cours).