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  • 09/06/2024 – Si je fleuris, traduis, écris, c’est grâce à mon sale caractère…

    Maintenant que j’écris depuis plus de deux ans et que je suis bilingue en anglais, il est temps que je vous confie la vérité : si j’ai fleuri et écrit, traduit, c’est uniquement grâce à mon sale caractère. Si vous doutez encore, je vais vous le prouver dans les lignes qui suivent, et vous verrez comment être une saleté m’a permis de chercher la beauté et développer ma curiosité. Voici donc un guide de survie pour tirer le meilleur de votre jalousie, rancoeur, et sale caractère.

    Je commence par quoi, l’écriture, la traduction ? Allez, je choisis pour vous, on va dire l’écriture, pour ceux qui veulent abréger la lecture.

    Mon sale caractère, grand tributaire de ma quête de l’universel (mes débuts en écriture et poésie)

    Vous allez me dire : non, c’est pas possible, elle exagère. Mais si, je vous jure que c’est vrai. Ma mère me disait de ne pas raconter d’où viennent mes premiers textes car ce n’est pas vendeur : je pense qu’elle s’est désormais résignée au fait que je me fiche de choquer.

    Après un bac L, une licence de lettres modernes décrochée mention très bien et un master en études culturelles, j’ai fait mes début en écriture, et particulièrement en poésie, en psychiatrie. Oui, en psychiatrie. Chez les fous quoi. Non, pas à Thuir quand même pour mes lecteurs de Perpignan – À Théza, à « la clinique du pré » – pour information, les prairies c’est autour, y’a rien qui vit à l’intérieur de cet endroit maudit. Mais moi j’ai toujours été une mauvaise herbe, envahissante presque – c’est ce qui m’a permis d’y fleurir et de commencer à écrire.

    La petite maison dans la prairie (la clinique du pré à thèza) – tirer profit de la jalousie

    Mais pourquoi attendre de se retrouver en psychiatrie pour commencer à écrire ? Deux raisons – déjà, la clinique psychiatrique, c’est un peu une garderie pour suicidaires avec des activités planifiées sur la journée. Ensuite, j’y ai sympathisé avec deux personnes qui écrivaient. N’ayant vraiment rien de mieux à faire que regarder le plafond, j’ai trainé à leur suite ma carcasse jusqu’à l’atelier d’écriture pour ne pas passer pour une fainéasse. Le cercle feutré de l’atelier ne m’a pas empêché de raisonner comme une enflure.

    Je vais vous expliquer : en gros, l’atelier, on nous donnait un thème genre un mot et on devait faire un texte sous forme libre, en groupe d’une dizaine de personne, et ensuite chacun lire le sien à tour de rôle. La première séance, je fais ma tambouille. On lit. Je passe après mes amis. Et là quand même j’me dis « Eh mais si eux ils disent qu’ils écrivent en écrivant ça, pourquoi moi j’me prive ? ».

    Oui, vous avez bien compris : j’ai commencé à écrire pour sauver ma dignité, et j’ai continué parce que la gêne de mes amis face à mes premiers écrits à gonflé mon égo surdimensionné.

    Pourquoi cacher ce qui pourrait pousser quelqu’un à créer ?

    Non, ce n’est pas très flatteur. Pourquoi le crier au monde entier ? Parce que j’ai passé des années à me dévaloriser et je me dis que franchement, on s’en fiche du déclencheur si ça entame un processus libérateur. J’ai pas continué pendant deux ans juste parce que c’était flatteur : quelque soit la forme d’art, il y a toujours une partie ingrate, celle qu’on cache bien aux gens qui font pas mais qui viennent aux vernissages avec leurs vêtements de marque et leurs montres connectées (on va quand même pas faire fuir l’acheteur – voire pire, un potentiel créateur, c’est comme les enfants faut leur donner un peu d’espoir sinon comment vous voulez qu’il poussent correctement ?).

    Sachez que si vous vous lancez dans n’importe quel hobby juste parce que vous avez vu quelqu’un faire et vous vous êtes dit que vous étiez pas plus con que lui, vous avez mon soutien total; lancez vous !

    Et c’est là que je fais la transition avec la traduction : si je peux prétendre avoir quelque connaissance de la démarche du traducteur, c’est grâce à ma sœur, et vous vous en doutez, c’est pas parce qu’elle me donnait des cours du soir.

    Comment la jalousie m’a donné une superbe vie

    Oui, encore une fois, vous avez bien lu le titre. Si je suis bilingue voire trilingue aujourd’hui et que j’ai passé des mois à l’étranger, c’est encore une fois parce que j’étais une saleté. Voyez vous, j’ai une sœur jumelle. Une personne droite, absolument incroyable, avec une morale indéfectible, autant dire que telle une plante je me suis servie de cette pauvre âme comme tuteur. Ma sœur, si tu lis ceci, il faudra que tu m’expliques comment tu as fait pour ne pas finir par me poignarder dans une des ruelles de Canet pendant mon début d’adolescence, et encore plus incroyable, à être si douce avec moi après que quand même, je me sois comporté comme une vraie saleté.

    J’adore ma sœur, mais un peu comme on regarde une idole de loin, je pense que si elle se pointait devant un temple tibétain pour devenir moine ils la prendraient, genre vraiment. 

    Apprendre à la carotte c’est top (et ça rime)

    On va monter dans une machine à remonter le temps et retourner à ma deuxième année de collège, car vraiment c’est là que ma jalousie à permis à ma vie de prendre un tournant. À l’époque, rien ne me prédestinait à ne savoir dire plus que hello ou goudebaille, parce que je vais être honnête : 1) j’en avais rien à carrer 2) ma prof je pouvais pas l’encadrer. Deux conditions parfaites pour l’assimilation d’une matière étrangère. J’ai plafonné à 10/20 pendant deux années.

    Et puis en cinquième, y’a eu ce déjeuner. Ma sœur, aux notes bien meilleures et qui avait déjà l’option latin, avait choisi de s’inscrire pour l’option européenne en anglais. Je vous rappelle, mon objectif était de passait sans me fouler. J’allais pas me rajouter des heures quand même ! Mais là, elle rayonne à table.

    Avant d’aller manger, les cours presque terminés, leur prof d’anglais leur avait annoncé : toute la classe européenne partait à Londres.

    Ma soeur. 

    À Londres. 

    Sans moi ?

    Absolument inadmissible.

    Je me suis donc à la fin du repas de la fatidique annonce rapproché de ma mère pour lui exprimer mes regrets, j’étais nulle en anglais, je voulais progresser, j’avais pas pensé à sélectionner l’anglais… Ma mère, une trop bonne âme, n’a pas fait le rapprochement avec l’annonce qui avait été faite moins d’une heure avant. Et les étoiles bien alignées, ça à marché, alors que c’était pas supposé marché.

    Et du coup voilà, c’est pour ça que maintenant je parle anglais et que j’adore la traduction.

    En conclusion, je vais pas faire long : écoutez la saleté intérieure en vous. Faites les choses qui sont bonnes pour vous pour de mauvaises raisons, ça vous dégagera l’horizon. 

    Écoutez votre saleté intérieure, elle vous veut du bien.

    Quand à ma soeur, je pense qu’elle pourrait rentrer au couvant, mais elle est en thèse, c’est presque pareil. Voilà, c’était le journal confession, j’espère que vous avez apprécié cette méthode pour améliorer votre vie en étant une saloperie, le développement personnel à l’eau de vie, ces guides sont à la mode mais ils vous donneront jamais ce genre de conseils. Ouf, barbara est là, (non).

    Barbara Ferreres, 2024 – Sachez que si vous êtes une des personnes mentionnées dans la première partie, non ce n’est pas moi qui ai écrit, c’est ma saloperie intérieure, je me dédouanne.

     

     


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  • Nathalie Vialaneix, Outre Noir – Quand la fiction disséque mieux la psychiatrisation que ses gardiens de zonzon

    « […]j’avais été dissolue dans le On; j’avais cherché l’Ailleurs en moi, ma forteresse demeurait vide; j’avais appelé l’Exterieur en l’autre, je n’avais jamais regardé sa binette. Je mutais le Tout en Même prise dans un désir de reconnaissance ».

    Dur à croire que ce roman atypique, d’autant par son style aussi confus et cru que les personnages et le lieu qu’il décrit, soit l’œuvre d’un auteur sans connaissance empirique de l’enfermement en tant que patient en milieu psychiatrique ! Est-ce que l’intensité de la visite de Nathalie Vialaneix ne lui aurait donné le don de lucidité pour déchiffré les jeux d’opacité et de dominations qui se jouent en ces lieux fermés, éloignés, comme cet ouvrage qui a mon regard aimanté dans cette précieuse librairie poussiéreuse du centre ville d’Albi où les comptes se font encore à la main ?

    La gravité de mes troubles n’est pas comparables à ceux de la narratrice, Juliette. Mais, habituée à être institutionnalisée, j’ai reconnu dans sa quête celle de mes jours les plus noirs- Outre-Noir ?

    Telle une âme reposant le Festin Nu de Burroughs après que personne ne l’ait prévenue, certains se diront que cet ouvrage est un bien long naufrage – 171 pages – dont l’équipage du sens se remarque dans une semblance d’absence. Mais pour vous dire la vérité, je me suis reconnue dans cette absurdité. Certaines sensibilités politiques apprécieront les parallèles entre les discours de Nicolas Sarkozy – le livre a été publié en 2011 – et la Ferme aux Animaux de George Orwell. Qu’il est triste que je les trouve toujours d’une pertinence isolante près d’un an après ma première écriture de cette review en 2023. Je ne saurais dire ce que Vialaneix écrirait aujourd’hui, tant il me semble que la folie se fait plus commune en dehors des hôpitaux feutrés où les braves gens se rassurent de la savoir enfermée.

    Pour être honnête, j’aurais bien du mal à résumer cet ouvrage-mais le sens se trouve ici, *a mon sens*, outre le noir de l’encre et des idées des ces « frappés » coincés en huis-clos, les gardes n’étant pas plus sains que les gardés, miroir kafkaien de la survie en psychiatrie, des deux côtés. Il est drôle que ce soit lors de mes internements terminés, en cherchant un ouvrage pour mon amie néerlandaise qui étudie le français, que je sois tombée sur cet ovni, une pépite d’or dans l’étagère qu’elle savait que j’achèterai dès qu’elle l’eût feuilleté. « Ça te ressemble bien, c’est expérimental »- assamblage du plus ou moins mon statut médical.

    Si les rapports de domination et la signification de ce que peu cherchent encore à comprendre apparaissent dans le plus clair de leur confusion sous l’éclairage blanchâtre et le scalpel qu’est l’encre noire de l’autrice Nathalie Vialaneix, c’est sans doute car elle n’a pas, à ma connaissance, passé trop de temps emprisonnée dans l’institution qu’est la psychiatrie. Psychologue, enseignante et collaboratrice pour la revue X-Alta, elle a brillamment réussi à s’investir des marges- une tâche noire dans la marginalisation qu’entrainent les troubles psychiatriques sévères- sans pour autant se porter en figure de l’autrice « blouse blanche ».

    Il est impossible de nier que Vialaneix nous offre un aperçu de la folie douce, celle qui abrite de manière plus ou moins intermittente mais toujours permanente les centres psychiatriques sécurisés. Reste-t-il qu’avec Outre-Noir, c’est en tant qu’ecrivaine et non en tant que figure dominatrice de ces lieux hors de la matrice qu’elle analyse, construit, imagine, catalogue, et analogise les symptômes étudiés et observés pour leur donner vie sous la forme d’un trio qu’elle présente comme incompréhensible quand leur douleur, leurs peurs sont loin de l’être. Contrairement à beaucoup de médecins ou de patients, sa force est d’arriver à voir au delà de la structure, au delà de la folie particulière pour montrer une société en deçà. La forme fictionnelle vient ici appuyer un discours profondément vrai sur la direction vers laquelle notre réalité est en train de basculer.

    Les pathologisés en seraient- et je pense ainsi- les premiers touchés, car les plus fragilisés, les plus marginalisés. En choisissant de ne pas présenter son rôle médical, l’autrice se fait aussi marginale, rôle pointé du doigt par tous mais dont leur position en retrait les fait être les premiers touchés des failles de notre société.

    Nathalie Vialaneix a beau être une des médecins ou psychologues qui arpentent seuls en hommes libres ces prisons qui ne se disent pas, elle est en tant qu’autrice une des rares figures que j’ai vu ces dernières années montrer et dénoncer l’institution psychiatrique- le nid de coucou – dans ce que beaucoup de patients sentent sans oser le dire : une garderie sous haute sécurité pour des gens qu’on ne peut que contrôler faute de savoir les soigner. Contrairement à beaucoup de médecins ou de patients racontant leur expérience, elle est allée outre le noir de leurs espoirs pour montrer celui dans lequel on nous plonge sans notre savoir, mais nous laisse apercevoir le milieu carcéral qui attendent tous ceux que l’on désigne atteint de la folie, discrète référence à Foucault, un « Roman d’anticipation » selon Babelio. Un chapeau bas et un succès dans sa crue réalité, preuve en est : comme du secteur des aliénés, il est édité sans qu’on en entende parler.

    Barbara Ferreres, tous droits réservés

    Nathalie Vialaneix, Outre noir, éditions Sulliver, 2011

    Publié sur Babelio, Goodreads et Gleeph en version abrégée

    *zonzon = prison


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