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  • L’Hôtel de Daisy Johnson – Des histoires de fantômes qui ne vont pas me hanter (review)

                      L’Hotel* de Daisy Johnson est un recueil de quatorze nouvelles unies par un même thème, dont le titre nous donne déjà tout : un hôtel, sans nom, hanté, ce qui ne sera pas sans rappeler aux amateurs de séries télé la saison d’American Horror Story du même nom, et au fonctionnement assez similaire. L’héritage des classiques de l’horreur (psychologique) et des romans gothiques où le réel et le surnaturel se mélangent pour nous ramener, finalement, à nos propres démons, est assumé dès la couverture – il s’agit de l’argument de vente principal de ces quatorze nouvelles par l’éditeur. C’est d’ailleurs ce qui m’a poussé à emprunter cet ouvrage, que j’ai lu immédiatement en rentrant de la bibliothèque, sans faire de recherches préalables.

     

                      L’Hotel est le quatrième livre de Daisy Johnson, que je ne connaissais pas du tout avant de lire ce recueil, bien qu’elle soit une figure montante de la scène littéraire britannique. Son premier roman, Everything Under, publié en 2018, a été nominé pour the Booker Prize – haut fait pour une autrice assumant son appartenance au fantastique, voire à l’horreur pour ce prix qui lui préfère habituellement le réalisme social, voire une double prouesse puisqu’elle l’impose comme l’auteur la plus jeune à jamais avoir été nominée pour ce prix (à l’heure où j’écris) ! J’avoue avoir été surprise de ne voir aucune mention de cette carrière sur la couverture de L’Hotel, sachant qu’Everything Under est paru chez chez le même éditeur (Stock, La Cosmopolite) sous le titre Tout ce qui nous Submerge.

     

                      Est-ce un choix délibérer pour inciter les lecteurs à partir avec un regard frais sur ce nouveau roman ? Pourtant, Daisy Johnson, avec maintenant quatre romans dans le genre, semble s’imposer sur la scène anglaise du roman gothique contemporain. Peut-être une volonté issue de la nature de l’ouvrage – en effet, il lui a été commandé par la BBC Radio 4 pour être dit oralement, et a été pour elle une première occasion de se frotter au genre de l’horreur plutôt qu’au fantastique pur.

     

                      C’est une information que j’aurais aimé voir figurer sur le recueil (ou du moins son édition française) pour deux raisons. La première est que la bbc est un critère de référence à mon sens quand il s’agit de création ou d’adaptation littéraires, comme celles télévisées de Tipping The Velvet (Caresser le velours) ou Pride and Prejudice (Orgueil et Préjugés). La deuxième, plus légitime, est que cela change totalement les attentes autour de  la réception de l’ouvrage, puisque l’on est totalement privés de son contexte de création… Ainsi cette simple mention explique-t-elle en partie mes plus gros griefs à son propos et m’aurait peut-être poussé à lire au moins une autre œuvre de l’auteur avant de rédiger le présent article, bien que ses autres avis soient mitigés.

     

                      Dans ces nouvelles initialement pensées pour la radio, Johnson nous donne à lire l’histoire de cet hôtel anonyme, depuis celle des marécages où il a été bâti en 1919– terres hantées, lieu de sacrifices et de souffrances, qui dès la première nouvelle, semblent sceller le destin du bâtiment – jusqu’à sa démolition après l’incendie qui le ravagea en 2019 dans la dernière histoire, qui marque son retour à la terre, non sans continuer de faire des victimes. Si le narrateur n’est pas toujours humain, toutes les histoires suivent une narratrice présentée au féminin, que le bâtiment au style néogothique réputé hanté – source de visite curieuses – perdu dans une angleterre battue par les vents, attirent, toujours dans la lignée des classiques du roman gothique écrits par des femmes ou à propos de femmes, pour qui l’hôtel semble toujours familier, même quand il est inconnu.

     

                      Avant de revenir à l’histoire des terres sur lequel l’hotel est bâti, le livre nous l’introduit, avec une sorte de suspens qui relève aussi d’une complicité qui sera fixée avec le lecteur au fur et à mesure du recueil – le sentier est balisé, il sait de quoi il est question grâce aux autres nouvelles, qui fonctionnent parfois ensemble. Ainsi la première nouvelle, intitulée « L’Hotel », dresse un tableau qui, comme le titre du livre, est on ne peut plus clair : «Voici ce que l’on sait de l’hôtel : Il est plus vaste au-dedans qu’au-dehors. N’allez pas dans la chambre 63. Les portes et les fenêtres changent parfois de place. L’hôtel écoute tout ce que vous dites. L’hôtel guette. L’hôtel sait tout de vous. L’hôtel vous connaissait avant votre arrivée. L’hôtel n’est pas le même avec tout le monde. On sera bientôt à l’hôtel.» Toute référence à The Shining et sa chambre 238 ou à la chanson Hôtel California, qui relève aussi du récit entre le fantastique et l’horreur psychologique issue d’une folie propre au(x) protagoniste(s), est évidemment pensée.

     

                      J’avoue être restée mitigée sur cette lecture. J’aime beaucoup le roman gothique anglais, surtout lorsqu’il se pense au féminin, mais je pense que même sans mentionner les prix (ni le format), les éditeurs ont peut-être visé un peu haut sur les attentes éventuelles des lecteur-ices, surtout en évoquant Steven King. A mon sens, toutes les nouvelles de cet ouvrage auraient gagné à être creusées. Si la brièveté sied parfaitement au format radiophonique original – le format audiobook ayant donné lieu à des retours plus positifs, ce qui n’est pas surprenant – qui en fait dans le cadre d’une telle fiction d’horreur une nécessité narrative, elle se retranscrit très mal sur papier. Oui, j’ai été hanté en finissant le recueil, par le sentiment persistant que ce qui était supposé éveiller chez moi cette sensation de malaise et d’entre-deux spécifique à la nouvelle fantastique d’horreur – pensez à Edgar Allan Poe – me laissait dans la bouche un goût persistant de fin bâclée amenée trop rapidement. A chaque fois.

     

                      Certes, le format court et inexpliqué est le propre des histoires courtes, surtout quand on a affaire au surnaturel. C’est ce que j’aime été recherchais, et pas une fois, je n’ai pu le savourer, par le rythme beaucoup trop rapide et mal mené de toutes les histoires.  Ainsi, aucun moment ne laisse au style de l’autrice l’occasion de se déployer, ni de nous faire nous attacher aux personnages ; ni à l’hôtel. J’ai refermé le roman en me demandant ce que ce bâtiment avait de si spécial pour mener à la perte d’autant de personnes, malgré une bonne exploitation des clichés du genre (couloirs qui se font labyrinthes, fantômes, voyages spatio-temporels, naissances) et un bon équilibre avec la part de mondain (mariages, couples).

     

                      S’il est entendu dans la présentation ludique de l’autrice que certaines choses sont acquises au début du recueil – la familiarité de l’hôtel, qu’il soit hanté, et la fascination qu’il cause chez les gens, même chez ceux qui ignorent sa sombre histoire – je n’ai jamais réussi à la sentir vraiment dans les histoires, je n’ai jamais réussi à le voir. A titre d’exemple, je trouve le fait bien plus évident dans la chanson des Eagles mentionnée en introduction, Hôtel California.

     

                      Ainsi, la brièveté des histoires n’est pas sensée empêcher de s’attacher au récit ou aux personnages, mais ça a été le cas chez moi. Au final, je dirais que je me souviens vaguement d’environs sept histoires du roman deux mois après (ce n’est pas si mal, vous me direz), et surtout du sentiment de frustration qu’elles m’ont laissé et qui ne vient apparemment pas uniquement de moi. Un côté positif qui n’est cependant pas supposé en être un : c’est vite fini, et ls histoires se lisent vite malgré l’ennui. Ce qui est assez dommage étant donné comment le roman est vendu et le pédigrée supposé de l’autrice. Surtout que j’ai trouvé que s’attaquer au mythe classique de l’Hôtel hanté était osé et courageux. Une question demeure au final : comment est-ce que le recueil n’a réussi à s’attirer que des critiques aussi élogieuses par la presse ?

     

    *The Hotel pour la version originale, traduit depuis l’anglais pour l’édition Française par Laetitia Devaux, paru en 2025 aux éditions Stock, La Cosmopolite.


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