Écrits pour jours de pluie

Parce qu'un jour l'averse cessera de tomber.

Blog bilingue – bilingual blog

Je regarde le lac de leucate et je suis triste à crever.
Je n’arrive pas à réaliser que je vais m’en aller. J’ai l’impression que je vais en crever. Que c’est pas possible que je retourne loin de tout ça.
Avant, j’étais à Montpellier, mais c’est de la triche, c’est pas vraiment loin.
Je repense à papa et ses histoires de pension comme si j’avais besoin de ça. Comme si je galerais déjà pas assez sans ça. Il faut qu’il rajoute sa touche. Je sais que c’est juste, mais ça m’emmerde.

Je voudrais rester en Provence avec mes amis et ma sœur. Je suis toujours si loin. J’ai l’impression qu’ils se rapprochent et que je les perds. J’y ai contribué. Mais j’aimerais continuer de regarder avec eux la voie lactée. Il me semble injuste que les gens qui comptent dans ma vie soient tous loin de moi.
Je regarde les Corbières et les Pyrénées, basses, avec leurs contours bien arrondis. Je repense à mon arrivée somnolée dans les Alpes escarpées. Tiffany qui me dit que ça sent la maison pendant que je me laisse bercer par le ronron du moteur. Je me rappelle avoir demandé pourquoi. C’est parce que les Alpes sont des millions d’années plus jeunes. Regarde, on voit encore les strates, et le dessus qui s’est cassé la gueule, rigole selena, au volant depuis Strasbourg. J’essaie d’imaginer les Pyrénées en train de pousser, détruisant tout sur leur passage, d’un coup comme une éruption. J’ai demandé si ça se passait comme une catastrophe naturelle. On m’a parlé d’endroit de friction des plaques, le truc niveau 4e, mais au final je n’ ai pas compris si l’avènement des montagnes que j’aime aujourd’hui s’est fait dans un désastre.

A Port la Nouvelle, je vois cette infrastructure de béton moche qui m’avait tant impressionnée mon premier soir de voyage seule, dans le train de 17h17, que je n’ai plus jamais repris parce

qu’il arrivait tard et que les gens à Narbonne emportaient avec eux de la nourriture qui me donnait faim. C’était peut être le premier retour plutôt, car au premier aller il faisait jour, je comptais les arrêts, j’me suis levée à frontignan juste pour être sûre. J’avais essayé de travailler pour ne pas continuer de pleurer, car partir pour la seconde fois rendait les choses plus réelles que la première, c’était installé, je voyageais seule et j’habitais seule, pas juste des vacances. Et au retour, cette structure de béton, frappante par sa mocheté, que j’ai oublié les autres fois une fois que j’ai su qu’il y avait des flamants roses. Ce soir ils sont absents, comme boudeurs. Je réalise que je ne sais pas quand je referais ce trajet dans ce train dans ce sens et je pleure discrètement. Comme il est de coutume dans les transports, les autres passagers évitent mon regard et font comme si de rien était. Ça ne me dérange pas. Devant moi un homme s’est endormi, la tête tantôt penchée en arrière la bouche ouverte, tantôt en avant contre la fenêtre. Il se réveille tandis que j’écris ceci et je suis obligée d’esquisser un sourire qu’il me rend gêné. Ses longs mouvements d’yeux montrent qu’il n’est pas tout à fait réveiller. Que la torpeur du train est douce. Nos regards se croisent et, comme j’ai commencé par son accompagnante, je poursuis par la fenêtre. Il suit. Donc il a vu que j’ai vu.
J’envoie des messages à ma mère. Ma correspondance s’est fait tranquillement au dépend des voyageurs du ter grâce à une coupure électrique. J’envoie des messages disant à ma mère avoir un dilemme cornélien entre prendre un bus ou un uber, tandis que dans ma tête je sais qu’à moins que le bus ne passe dans 15 minutes je vais probablement finir dans un uber. J’ai même pas eu le courage de check pour ma carte bleu alors qu’il me la faudra pour les deux. Je lis un livre sur une ado de 15 ans qui est tombée de sept étages par accident, comment la volonté du narrateur de disparaître est de susciter l’attention et les soucis. Je me dis que jsuis pareil. J’ai 25 ans et tout ce que j’ai fait c’est gâcher ma jeunesse. Il me reste cinq ans. Je vois bien le fossé entre moi et les autres. Je me demande pourquoi ils me gardent. Tiffany dit que c’est parce qu’ils m’aiment et sont compréhensifs.
Personnellement, je ne sais pas comment ils arrivent à me gérer. Parfois j’ai envie de mourir pour tout abréger. Puis je me rappelle comment c’était effrayant quand ça m’est arrivé, que je suis prête ni à vivre ni à mourir et que d’après la littérature scientifique c’est le fait que je sois traumatisée qui m’a coincée dans le temps pendant que tout le monde profite du vivant.

Je descends du train, et la réalité me prend. Je me sens pas de prendre le bus, sa réalité crue et bruyante, alors je sors de la gare par devant, et je m’assois comme quand maman m’attend. Je regarde le prix des uber, espérant négocier pour 25e un trajet dans une ambiance feutrée. Mais face aux tarifs exorbitants et à ma dette augmentant, je suis les procédures inutilement élaborées pour acheter un billet de bus dont le tarif à encore augmenté cette année, n’ayant pas pensé à prendre de monnaie. Je me dis que toutes les procédures de sécurité me rendent vulnérable aux gens autour. Je me vois déjà dans le bus entourée de lycée. Maman m’envoie un message d’encouragement. Pense à ton thé !! Je pense que je vais le prendre toute seule, et cela me rend triste, alors je ne réponds pas tout de suite.

Pour la première fois je rentre avec autour de mon arrivée à la maison un gros point d’interrogation. Après plus de 20 ans de vie dans le département, dont 11 à arpenter la gare de Perpignan, le monde autour de moi me semble si différent que je me surprends à être étonnée d’entendre les gens parler français. C’est comme si profondément, quelque chose clochait.

Je vois devant moi, en face de la gare, le nouvel automate à billets qui semble avoir été nouvellement posé là pour me narguer. Au loin je vois les lumières d’un taxi libre que je ne peux pas payer, pendant qu’autour la ville continue de vociférer et je comprends encore moins les humains qui arrivent à vivre en pensant à demain. Ma vision de la vie se limite à ne pas poursuivre les moments que je vois propices au suicide, infini jeu de chaises musicales entre moi et moi. Je me dis que je me ferais bien un shot d’héroïne, puis je me rappelle que c’est pour ça que j’ai encore plus de problèmes et je me sens encore plus mal. Le bus 500 arrive en direction de Quillan, ça me fait penser à Kilian que je connaissais qui s’est suicidé et à mon ami Kévin qui est seul et hospitalisé dans un endroit dans lequel je ne voudrais jamais retourner. Le bus arrive soudainement dans un silence détonnant qui me surprend. Je me prépare sur le côté, avant de finir, de toute manière, par gêner. J’enregistre après 10 ans qu’il y a un arrêt près de la gare pas tgv que je n’avais pas remarqué. Entre temps les bus ont eu le temps de changer, présentant un plafond couvert de feuilles et des sièges verts. Il ne me semblait pas que cela faisait si longtemps que je n’étais pas monté. Les choses changent beaucoup trop rapidement et j’ai encore envie de me plonger dans mon monde intérieur dépriment, ce que m’empêche ma forte odeur. « Ce n’est pas pour rien qu’on parle de la puanteur de la peur », comme quoi l’humain n’a rien de novateur.

Le bus marque un arrêt à Palmarole, prêt du centre d’art où j’ai insister entrer pour profiter des toilettes gratuites et où ma mère a été invitée par un artiste voisin à succès, de reconnaissance nationale, présent par hasard. C’était le dernier jour de l’exposition et nous avions visité un centre ville en fête avec ma copine, qui n’a pas apprécié. Je ne sais même plus si c’est ma copine. La conversation est morte. Je pense qu’elle ne veut plus de moi, mais son impolitesse me choque. Mae. Et son père qui fait du riz au lait. J’étais folle de désir du fait qu’elle m’aimait, et j’ai appris à l’aimer, moi aussi. Et puis, plus rien. Apres un instant de proximité intense, elle ne m’a plus rien partagé. Je n’arrive même plus à être triste, juste saoulée et énervée. Comme si on était pas assez bousillées, toutes les deux.

Le bus passe un pont bien inutile au dessus de la têt asséchée. Derrière moi, une fille essaie de calmer son amie au téléphone en lui disant quoi faire et respirer à profusion. Elle a manqué son bus. Je ne saurais jamais pourquoi cela importe tant.

Je regarde le fossé pendant tout le trajet. D’abord je pense à cette route dont ma sœur avait si peur pendant son permis. On passe devant un esat, je me demande si c’est où je vais finir. Je me dis qu’on est arrivés, j’avais oublié villelongue, le village de mon ex. Ironiquement, la publicité du premier arrêt prône fièrement « pourquoi aller ailleurs, il y a tant ici », ce que disait mon précédent ex, adepte de jvc, qui fait probablement Prof ou une thèse en histoire et je me dis purée heureusement que personne sait à quel point j’ai mal tourné. Comment ça jazerait. Personne ne serait étonné. On m’a toujours vu comme une bombe, à canaliser. Peut être que c’est ce que je suis. Une femme me demande de s’assoie à côté de moi. J’accepte. Elle est asiatique et matte, très jolie. A Bompas, les belles de nuits se sont échappées et maculent la ville. Je pense à iNaturalist. A toutes ces plantes dans le fossé que la sœur saurait identifier mais dont les plus familières restent les cultivées. Au loin, une apiacée. On arrive. J’angoisse. Je ne chercherai pas mes clés.

Je viens de rentrer. J’ai beau rentrer chez moi, tout me paraît étranger. Une série de voiture me fais des signes. Je me demande pourquoi, et un homme en passant me dit que je suis belle. Les gens ne me connaissent pas mais ont l’air heureux de me voir. Le salon de maman me semble immense et le chat me reconnaît avec une familiarité qui me choque. Cela me rappelle quand j’ai été longtemps chez papa. Le chat miaule. Je reconnais une tête. La mediatheque est finie et les étagères attendent d’être montées, pour être remplies et déborder devant l’impuissance de vacataires sous payés. Je regarde le trajet que j’ai fait mille fois (j’apparais même sur maps), les touristes au spot habituel et avec cette valise étrangère, je n’ai pas l’impression de rentrer chez moi. Je vois aux médicaments sortis que ma mère a fouillé. Je ne sais pas ce que j’ai laissé, mais elle a trouvé du valium. La culpabilité d’en avoir volé à Tiffa remonte, alors qu’elle me l’avait proposé gentiment le lendemain. J’ai refusé. Elle va savoir. J’ai honte.

Maman, dans son organisation habituelle, a déjà fait une liste des choses à emporter. Sur le canapé, à côté des guides offerts par le fameux artiste, trône un magazine de comparatif automobile, témoin de concrétisations des nouvelles ambitions maternelles.

Le chat m’a fait des câlins. J’ai bu deux thés reinfusés, mais tout seul c’est pas pareil. Maman n’a pas bu. Elle n’a pas fouillé, mais j’ai honte de voir mon lit qui m’a manqué si sale à cause de mes mauvaises habitudes. Selena m’a envoyé un message pour me dire que c’était pas pareil le puerh toute seule et qu’elle comprenait pourquoi elle en buvait plus. C’est vrai que c’est pas pareil. Même mon thé du soir était un peu nul, mais je me suis abstenue de lui dire car ça aurait été trop déprimant. Le thé est toujours meilleur bu en bonne compagnie. Il me paraîtra fade un temps. Je lui ai dit qu’on serait obligées de s’appeler pour prendre le thé, mais au final, ça ne serait que réunir deux solitudes. Je me demande ce qu’elles font, avec Tiffa. J’ai manqué à ma sœur et je ne comprends pas comment ça se fait. Avec maman on a parlé tout le repas. Après, on est rentrées dans un débat où on était d’accord, mais il a d’abord fallut qu’il y ait désaccord pour que maman dise quelque chose de similaire et reconnaisse qu’on allait dans le même sens. La routine. Nos parcours sont trop différents pour avoir la même vision du monde et c’est OK. Après, on a regardé les photos, j’ai eu deux petits cadeaux et j’ai offert les acryliques. Ensuite j’ai lu ce que j’ai écrit et elle a été malade de stress. Elle m’a dit que j’écrivais bien. Mais je pense que c’est de la faute. On procrastinait d’aller au lit et son corps à renoncé. Moi aussi, je n’étais pas très bien. Je me demande l’impact de mes mots. Je connais celle de mes actes, car je ne suis plus digne de confiance. Je me suis vexée, d’abord, mais au fond, je ne me fais pas confiance non plus. Quand maman a informé ma soeur qu’elle m’avait viré 100e, j’aurai pu décider d’en faire n’importe quoi. À un moment j’ai pensé à taper de l’hero sur le net. En fait ça fait plutôt longtemps et si je m’y étais pris dès que j’ai pensé ce serait carré. Mais je n’ai pas d’argent. Et maintenant que j’en ai, je dois le garder précieusement et rester clean. Mais honnêtement, j’y ai quand même pensé. J’ai l’impression d’être hantée. En fait j’ai comme un grand vide en moi, un jardin que je n’ai pas cultivé pour être polymorphe. J’y jette des trucs stériles pour le remplir temporairement, mais rien ne dure.

Barbara Ferreres, tous droits réservés, 2023-2024

Barbara Ferreres
Author: Barbara Ferreres

I’m an eatherable mass belonging to nowhere (better known as Barbara Ferreres) and the unreliable narrator of its own descent into the margins of society. It’s not that badn you should come and grab a tea sometimes. I love working with people, email me at tombelapluiepoetry@gmail.com. I would love it!

En savoir plus sur Écrits pour jours de pluie

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading