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  • L’Hôtel de Daisy Johnson – Des histoires de fantômes qui ne vont pas me hanter (review)

                      L’Hotel* de Daisy Johnson est un recueil de quatorze nouvelles unies par un même thème, dont le titre nous donne déjà tout : un hôtel, sans nom, hanté, ce qui ne sera pas sans rappeler aux amateurs de séries télé la saison d’American Horror Story du même nom, et au fonctionnement assez similaire. L’héritage des classiques de l’horreur (psychologique) et des romans gothiques où le réel et le surnaturel se mélangent pour nous ramener, finalement, à nos propres démons, est assumé dès la couverture – il s’agit de l’argument de vente principal de ces quatorze nouvelles par l’éditeur. C’est d’ailleurs ce qui m’a poussé à emprunter cet ouvrage, que j’ai lu immédiatement en rentrant de la bibliothèque, sans faire de recherches préalables.

     

                      L’Hotel est le quatrième livre de Daisy Johnson, que je ne connaissais pas du tout avant de lire ce recueil, bien qu’elle soit une figure montante de la scène littéraire britannique. Son premier roman, Everything Under, publié en 2018, a été nominé pour the Booker Prize – haut fait pour une autrice assumant son appartenance au fantastique, voire à l’horreur pour ce prix qui lui préfère habituellement le réalisme social, voire une double prouesse puisqu’elle l’impose comme l’auteur la plus jeune à jamais avoir été nominée pour ce prix (à l’heure où j’écris) ! J’avoue avoir été surprise de ne voir aucune mention de cette carrière sur la couverture de L’Hotel, sachant qu’Everything Under est paru chez chez le même éditeur (Stock, La Cosmopolite) sous le titre Tout ce qui nous Submerge.

     

                      Est-ce un choix délibérer pour inciter les lecteurs à partir avec un regard frais sur ce nouveau roman ? Pourtant, Daisy Johnson, avec maintenant quatre romans dans le genre, semble s’imposer sur la scène anglaise du roman gothique contemporain. Peut-être une volonté issue de la nature de l’ouvrage – en effet, il lui a été commandé par la BBC Radio 4 pour être dit oralement, et a été pour elle une première occasion de se frotter au genre de l’horreur plutôt qu’au fantastique pur.

     

                      C’est une information que j’aurais aimé voir figurer sur le recueil (ou du moins son édition française) pour deux raisons. La première est que la bbc est un critère de référence à mon sens quand il s’agit de création ou d’adaptation littéraires, comme celles télévisées de Tipping The Velvet (Caresser le velours) ou Pride and Prejudice (Orgueil et Préjugés). La deuxième, plus légitime, est que cela change totalement les attentes autour de  la réception de l’ouvrage, puisque l’on est totalement privés de son contexte de création… Ainsi cette simple mention explique-t-elle en partie mes plus gros griefs à son propos et m’aurait peut-être poussé à lire au moins une autre œuvre de l’auteur avant de rédiger le présent article, bien que ses autres avis soient mitigés.

     

                      Dans ces nouvelles initialement pensées pour la radio, Johnson nous donne à lire l’histoire de cet hôtel anonyme, depuis celle des marécages où il a été bâti en 1919– terres hantées, lieu de sacrifices et de souffrances, qui dès la première nouvelle, semblent sceller le destin du bâtiment – jusqu’à sa démolition après l’incendie qui le ravagea en 2019 dans la dernière histoire, qui marque son retour à la terre, non sans continuer de faire des victimes. Si le narrateur n’est pas toujours humain, toutes les histoires suivent une narratrice présentée au féminin, que le bâtiment au style néogothique réputé hanté – source de visite curieuses – perdu dans une angleterre battue par les vents, attirent, toujours dans la lignée des classiques du roman gothique écrits par des femmes ou à propos de femmes, pour qui l’hôtel semble toujours familier, même quand il est inconnu.

     

                      Avant de revenir à l’histoire des terres sur lequel l’hotel est bâti, le livre nous l’introduit, avec une sorte de suspens qui relève aussi d’une complicité qui sera fixée avec le lecteur au fur et à mesure du recueil – le sentier est balisé, il sait de quoi il est question grâce aux autres nouvelles, qui fonctionnent parfois ensemble. Ainsi la première nouvelle, intitulée « L’Hotel », dresse un tableau qui, comme le titre du livre, est on ne peut plus clair : «Voici ce que l’on sait de l’hôtel : Il est plus vaste au-dedans qu’au-dehors. N’allez pas dans la chambre 63. Les portes et les fenêtres changent parfois de place. L’hôtel écoute tout ce que vous dites. L’hôtel guette. L’hôtel sait tout de vous. L’hôtel vous connaissait avant votre arrivée. L’hôtel n’est pas le même avec tout le monde. On sera bientôt à l’hôtel.» Toute référence à The Shining et sa chambre 238 ou à la chanson Hôtel California, qui relève aussi du récit entre le fantastique et l’horreur psychologique issue d’une folie propre au(x) protagoniste(s), est évidemment pensée.

     

                      J’avoue être restée mitigée sur cette lecture. J’aime beaucoup le roman gothique anglais, surtout lorsqu’il se pense au féminin, mais je pense que même sans mentionner les prix (ni le format), les éditeurs ont peut-être visé un peu haut sur les attentes éventuelles des lecteur-ices, surtout en évoquant Steven King. A mon sens, toutes les nouvelles de cet ouvrage auraient gagné à être creusées. Si la brièveté sied parfaitement au format radiophonique original – le format audiobook ayant donné lieu à des retours plus positifs, ce qui n’est pas surprenant – qui en fait dans le cadre d’une telle fiction d’horreur une nécessité narrative, elle se retranscrit très mal sur papier. Oui, j’ai été hanté en finissant le recueil, par le sentiment persistant que ce qui était supposé éveiller chez moi cette sensation de malaise et d’entre-deux spécifique à la nouvelle fantastique d’horreur – pensez à Edgar Allan Poe – me laissait dans la bouche un goût persistant de fin bâclée amenée trop rapidement. A chaque fois.

     

                      Certes, le format court et inexpliqué est le propre des histoires courtes, surtout quand on a affaire au surnaturel. C’est ce que j’aime été recherchais, et pas une fois, je n’ai pu le savourer, par le rythme beaucoup trop rapide et mal mené de toutes les histoires.  Ainsi, aucun moment ne laisse au style de l’autrice l’occasion de se déployer, ni de nous faire nous attacher aux personnages ; ni à l’hôtel. J’ai refermé le roman en me demandant ce que ce bâtiment avait de si spécial pour mener à la perte d’autant de personnes, malgré une bonne exploitation des clichés du genre (couloirs qui se font labyrinthes, fantômes, voyages spatio-temporels, naissances) et un bon équilibre avec la part de mondain (mariages, couples).

     

                      S’il est entendu dans la présentation ludique de l’autrice que certaines choses sont acquises au début du recueil – la familiarité de l’hôtel, qu’il soit hanté, et la fascination qu’il cause chez les gens, même chez ceux qui ignorent sa sombre histoire – je n’ai jamais réussi à la sentir vraiment dans les histoires, je n’ai jamais réussi à le voir. A titre d’exemple, je trouve le fait bien plus évident dans la chanson des Eagles mentionnée en introduction, Hôtel California.

     

                      Ainsi, la brièveté des histoires n’est pas sensée empêcher de s’attacher au récit ou aux personnages, mais ça a été le cas chez moi. Au final, je dirais que je me souviens vaguement d’environs sept histoires du roman deux mois après (ce n’est pas si mal, vous me direz), et surtout du sentiment de frustration qu’elles m’ont laissé et qui ne vient apparemment pas uniquement de moi. Un côté positif qui n’est cependant pas supposé en être un : c’est vite fini, et ls histoires se lisent vite malgré l’ennui. Ce qui est assez dommage étant donné comment le roman est vendu et le pédigrée supposé de l’autrice. Surtout que j’ai trouvé que s’attaquer au mythe classique de l’Hôtel hanté était osé et courageux. Une question demeure au final : comment est-ce que le recueil n’a réussi à s’attirer que des critiques aussi élogieuses par la presse ?

     

    *The Hotel pour la version originale, traduit depuis l’anglais pour l’édition Française par Laetitia Devaux, paru en 2025 aux éditions Stock, La Cosmopolite.


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    Of beginnings

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    Of beginnings

    « And now let’s welcome the New Year, 
    Full of things that never have been »

     

    —  As I paint the night with my screams
    Fireworks join me in this peticular choir, 
    Red flashes illuminating my face —
    They’re highlighting the pain
    That comes when things end.

    (suite…)


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  • Travaux photo du mois d’Avril

    Le mois d’Avril en photo

    Photographies prises de Canet-en-Roussillon

    Voici les travaux photo qui ont occupé ce mois d’Avril ! J’ai décidé de me remettre sérieusement à l’édition (en retard) de ma production photographique. À commencer par les prises les plus récentes, datées d’Avril. Cela donne ainsi des résultats qui peuvent sembler paradoxaux, avec un travail plus fini et intense sur des prises d’objets et d’endroits de tous les jours : la ville de Canet-en-Roussillon (66140), son front de mer, sa plage sud (aka Canet Sud), le mar estang, les tracteurs de réfection du parking de la plage… Les tags du chemin souterrain qui relie la piste cyclable à l’étang de Canet…

    Photographie du front de mer entre le centre ville et le port de Canet-en-Roussillon (66140), vue d'hiver un jour d'orage par Barbara Ferreres
    Photographie – le front de mer entre le centre ville et le port de Canet-en-Roussillon (66140), vue d’hiver un jour d’orage. Barbara Ferreres, 2024
    Les immeubles et palmiers du front de mer entre le centre ville et le port de Canet-en-Roussillon (66140), vue d'hiver un jour d'orage par Barbara Ferreres.
    Les immeubles et palmiers du front de mer, Canet-en-Roussillon (66140), Barbara Ferreres
    photographie palmiers sur le front de mer de Canet-en-Roussillon (66140), entre Canet centre et Canet Port, au coucher de soleil, mars 2025, Barbara Ferreres
    Photo du coucher de soleil sur les palmiers du front de mer de Canet en Roussillon, Barbara Ferreres
    Photographie d'un rétroviseur de tracteur sur fond de ciel bleu, prise sur le parking de la plage de Canet-sud, Canet-en-Roussillon (66140), Pyrénées-Orientales, France, par Barbara Ferreres, avril 2025
    Photographie prise à Canet-en-Roussillon, (66140), avril 2025, Barbara Ferreres

    Au final, le tracteur présent sur le parking du Mar Estang à « Canet Sud » (nom familier de ce secteur de Canet-enRoussillon) pour les travaux a eu droit à un véritable shooting photo personnalisé, avec un travail de suppression des personnes et véhicules en fond. 

    Bien qu’il y ait déjà toutes ces photos, je n’ai pas réussi à me décider tout de suite sur la couleur du ciel . Je savais juste que je voulais un rendu analogique de type photographie argentique. Le rendu de cette galerie a été obtenu avec des presets lightroom rendant un argentique de 35mm ou les pellicules de la marque kodak. J’ai eu du mal à me décider sur le rendu du ciel, bien que j’étais sûre de vouloir avoir le rendu d’un appareil photo jetable.

    Photographie d'un rétroviseur de tracteur sur fond de ciel bleu, prise sur le parking de la plage de Canet-sud, Canet-en-Roussillon (66140), Pyrénées-Orientales, France, par Barbara Ferreres, avril 2025
    Photographie prise à Canet-en-Roussillon, (66140), avril 2025, Barbara Ferreres
    Sous-terrain de la piste cyclable à Canet-Sud, reliant Canet-en-Roussillon (66140) et l'étang de Canet-Saint Nazaire, près du mar estang.
    Vue sur le souterrain de la piste cyclable reliant la plage de Canet sud à l’étang de Canet-en-Roussillon (66140)

    En parallèle, le travail sur les prises photographiques de ma visite de Strasbourg (67000), les photos de rue mettant en valeur ses endroits insolites, ou son célèbre marché de Noël, n’a avancé que d’un iota. Parmi elles, j’ai choisi de m’attarder d’avantage sur un paysage familier pris de la fenêtre de la chambre d’une colocation à Mittelhausbergen (67607) où j’habitais encore. C’est pourquoi cela n’étonnera personne d’apprendre que la même méthode de travail retardé et sporadique a été adopté pour l’édition de mes photographies prises lors d’un dernier voyage à Lyon en Octobre 2024, où j’étais allée voir un deuxième concert de la tournée d’adieu du groupe Shaka Ponk.

    Photographies prises à Lyon

    Octobre 2024

    Barbara Ferreres, selfie au miroir, Lyon, Octobre 2024
    Barbara Ferreres, selfie au miroir, Lyon, Octobre 2024

    J’ai commencé à m’attaquer aux jeux photographiques pris dans une salle d’eau pleine de miroirs, la narcisse en moi aimant particulièrement jouer avec les perspectives offertes par juste mon visage et un des miroirs.

    Buste statue grecque modernisé de manière esthétique, lumière rose, lunettes de soleil rose
    Buste grecque sexy
    Lumières restaurant esthétique rose éclairé
    lumières aesthetic, restaurant-café rue mercière au centre ville historique de Lyon, Barbara Ferreres

    Le même restaurant aurait mérité un photoshoot à lui tout seul (peut-être plus que le tracteur), mais bon, sans autorisation, ça ne se fait pas vraiment… En tous cas, je n’ai pas regretté d’aller prendre un café aux environs de Bellecour (Lyon) et les rues adjaçantes, que j’ai aussi commencé à retravailler.

    immeubles de la rue Mercière, avec commerces, à Lyon (69000), près de la place Bellecour, centre ville historique de Lyon, par ciel bleu une après-midi d'octobre 2024. Photographie prise par Barbara Ferreres.
    La rue Mercière, centre ville historique de Lyon, octobre 2024, photographie par Barbara Ferreres

    En même temps, j’ai presque fini d’éditer les photos du métro d’octobre 2024. C’est chouette, il n’y aura plus qu’à se mettre à celles de Février 2024 après ça ! J’ai presque fini cette partie du travail, à laquelle je vais pouvoir dédier un article très prochainement, en grande amatrice de trains et de métros. J’ai hâte de reprendre un mode de vie plus mobile, car la sédentarité ne me sied guerre. Les photos suivantes ont été prises principalement à la gare SNCF de Lyon Perrache (merci à celui qui m’a dit que mes photos lui faisaient oublier la fréquentation et douce odeur d’urine qui assaisonnent parfois l’endroit et le rendaient badass, c’est un compliment dont je mesure l’ampleur).

    Certaines photographies de février 2024 se sont glissées avec les autres, mais elles se mêlent bien avec les autres ! J’ai aussi pris à Lyon certaines de mes photo de rue préférées, mes premières vraies de photographe !

    Scène de rue à Lyon, photographiée depuis le tramway, tons bleus, fujifilm xs10, photo prise par Barbara Ferreres, octobre 2024
    Scène de rue à Lyon, Barbara Ferreres, octobre 2024

    Et les photos depuis la voiture pour le départ, sur le périphérique de Lyon et puis l’autoroute A69 – des usines, cheminées et graffitis, travaillés en tons bleus et sépias également, comme des scènes de films.

    Usines du périphérique de Lyon, photographie par Barbara Ferreres, octobre 2024
    Usines du périphérique de Lyon, par Barbara Ferreres, octobre 2024
    Streetart (graffiti) sur les usines et bassins de stockages périphérique de Lyon, photographie par Barbara Ferreres, octobre 2024
    Streetart (graffiti) sur les usines du périph de Lyon, Barbara Ferreres

    Remarquez, autant rattraper le retard pris dans mes travaux photo en commençant par celles les plus récentes, qui datent effectivement du mois d’Avril ? Petit à petit, l’oiseau fait son nid, et je pourrais presque compléter les galeries commencées par le journal photo de mes vacances d’hiver 2023 à Sainte-Marie-la-Mer ! Voire même celui de mon séjour à Strasbourg et premier voyage à Lyon.

    C’est tout pour aujourd’hui ! J’ai encore des photos de Strasbourg à vous montrer, mais ça me fera d’autant plus de raisons de mettre à jour le blog plus souvent. On se voit dans pas longtemps avec plus de photos et de textes !

    Barbara Ferreres, autrice et photographe.


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  • Hiro Arikawa – Au prochain arrêt, ôde aux petites lignes de train

    Critique de lecture : Hiro Arikawa, Au prochain arrêt, Actes Sud (2008)

    Traduction française du japonais par Sofie Rèfle

    Avis : 5/5

    Une lecture plaisante, qui se lit le temps d’un trajet en train. J’adore les recueils d’histoires courtes, mais j’ai d’abord été décontenancée car je pensais avoir acheté un roman. C’est finalement avec plaisir que j’ai découvert que ces histoires étaient toutes cousues de manière discrète mais habile – c’est là que l’on reconnaît le talent d’écriture d‘Hiro Arikawa. Finalement, l’auteur japonais nous livre un roman varié mais qui n’a rien de décousu – on pourrait dire qu’il à la forme unie et raccordé d’un train et de ses différentes rames, la forme rejoignant ainsi le fond.

    Chroniques d’un voyageur en train à destination des voyageurs-lecteurs.

    Prenant moi même souvent le train et ayant écrit sur des passages de petite ligne de train régionaux (TER lio occitanie SNCF) que j’emprunte tous les jours, j’ai été touchée de voir un livre se centrer précisément sur ce thème que je rêverais d’aborder. Nous donnant à voir la vie des différents passagers, l’écrivain semble exorciser le questionnement permanent des voyageurs réguliers de ces petites lignes de campagne. Toute personne ayant un jour pris les transports en commun sera amusée de remarquer que chaque heure à sa « faune », ses réguliers, ses habitués, son atmosphère, que les personnages, comme le lecteur, ont appris à connaître par cœur.  Les gares, tout comme le paysage de la ligne, font partie intégrante du tableau, voire semblent devenir des personnages à part entière dans certains passages, nous montrant combien la répétition de ces moments anodins de notre quotidien peut finir par en constituer un bloc important, tout comme les drames ordinaires se jouent dans des lieux ordinaires, que nous empruntons tous les jours.

    Lire aussi :
    Septembre 2023 – Dernier Ter Montpellier-Perpignan avant longtemps
    The train traveler (la voyageuse du train) – photodiary #1

    À mon sens, présenter comme pour un trajet un aller et un retour est le point fort de Au prochain arrêt, car c’est cet aspect qui permet d’unifier et de donner leur plein sens aux histoires présentées. Une autre réussite du roman à mon sens est de s’inspirer d’une ligne de train qui existe réellement au Japon (la ligne Takarazuka – Nishinomiya), ce qui permet au lecteur de faire ce « pélerinage » s’il en a envie et d’en découvrir de ses yeux les paysages décrits au fil des saisons. Finalement, c’est à se demander si le train ne jouerait pas ici un rôle symbolique : présentant des personnes parfois perdues dans leur vie ou à des moments de changement, que le train vient diriger, provoquer ou accompagner.

    Au prochain arrêt : introspection

    J’irais jusqu’à projeter un peu : je me suis toujours sentie entre deux mondes. C’est pourquoi j’aime autant les trains, qui font office d’entre-deux entre de périodes de mouvements et de décisions à prendre. Parce que c’est un endroit en mouvement dans lequel le passager n’a pas d’autre choix que de rester assis, il se fait le lieu idéal de l’introspection et de la méditation sur soi-même et l’existence – ainsi, celle qu’Hiro Arikawa écrit dans Au prochain arrêt fait office d’invitation pour le lecteur à faire de même. Mais après avoir posé le livre… On se dit qu’on s’arrêtera au prochain arrêt, pour se retrouver à faire l’aller-retour complet. L’invitation à s’arrêter dans notre quotidien occupé (peut-être pour prendre le livre) se situe dans le titre même.

    Un pépite propre à la littérature japonaise

    Au prochain arrêt réussi un tour de force que je n’ai jusque-là trouvé que dans la littérature japonaise : écrire un roman à l’atmosphère douce, nostalgique et quotidienne, qui vient pourtant aborder les sujets les plus mondains comme les plus sensibles. Il faut beaucoup de talent et de style pour arriver à écrire sur un sujet aussi banal qu’un train sans ennuyer le lecteur. Plein de sagesse et infiniment vivant, qui a lu Hiro Arikawa prendra désormais les transports en commun en regardant son écosystème autrement.

    Barbara Ferreres, 2024, tous droits réservés.

    Voir sur : GoodreadsBabelio


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  • 23/06/2024 – De l’ennui

    Si aujourd’hui j’écris, c’est pour poncer une énième fois, sous vos yeux ébahis, la pierre déjà trop polie qu’est celle de l’ennui. Nous avons tous toujours quelque chose de mieux à faire, pour finir englués dans cette sorte de paradoxale immobilité que je vous vois imaginer pendant que je parle. Invraisemblable, mais les voies du Seigneur son impénétrables (cf les milliers d’années de débats qui sont loin d’être terminés).

    Cocteau a dit : il vaut mieux mieux une journée à ne pas produire un écrit de qualité plutôt que de rester à penser, pourvu qu’on écrire (La condition humaine). Alors me voici, époussetant mon torchon (lequel ? dirait ma professeure de concours ministériels) pour polir une deuxième catégorie de poncifs.

    L’ennui et l’envie, quel cliché !

    Dans l’ennui se retrouve fondamentalement un manque d’envie. L’envie me manque couramment – sauf celle d’aller me soulager. Je disais dans un précédent journal que l’écrit était vomi (08/04/2024 – Vomir dans le Thalys), dans le slam Strasbourg tu m’as saoulé que je prenais le merdier d’un endroit donné. Un psychothérapeute fatigué y verrait un lien qui dépasse le royaume des idées. Voici ce que j’en pense : « Comment creuser l’essence de l’existence quand on est par le spleen cloué au lit ? »

    Baudelaire prend souvent de grands airs – regardez un portrait et vous comprendrez que comme moi il n’avait pas d’autres choix. Il répond pourtant très justement à cette question : qui est sujet au spleen, à l’addiction, ou est ivre de quoi que ce soit d’autre, n’est pas en capacité d’écrire. C’est un temps qui vient après. Ah ! Encore un cliché. Il faut bien qu’on vienne s’assurer qu’ils soient dépoussiérés. Faute de balayer devant ma porte physiquement, je peux au moins le faire métaphoriquement.

    En attendant des jours plus captivants je finirais sur une histoire vraie – encore, cette fois-ci non pas dans le secondaire, mais au niveau universitaire.

    Un parcours universitaire : d’une licence arts plastiques à une licence lettres modernes

    L’art de retomber après un raté (de la réorientation)

    J’ai commencer la création avec le dessin, les arts, que je suis entrée à l’université pour étudié en licence arts plastiques. Finalement, ce ne sont pas que les résultats qui m’ont poussée à me réorienter, mais un sentiment d’inadéquation permanent. J’ai changé pour la licence Lettres modernes sans trop y regarder, ce qui n’aurait rien changé vu mon parcours après mon master études culturelles.

    Je trainais mon fantôme d’artiste raté comme un boulet. Après ma licence d’arts, je n’ai plus jamais dessiné quoi que ce soit qui soit digne d’intérêt. Tué, fusillé, j’errais comme une âme en peine avant de découvrir que je pouvais écrire.

    D’ailleurs, ça m’a beaucoup appris de me gourer : je remercie sans aucune ironie papa et belle-maman de m’avoir laissé foncer.

    « Les humanités, c’est pour les ratés »

    Comme si arts plastiques c’était déjà pas assez, en me voyant choisir une autre « filière chômage » (quelle blague, j’ai eu tellement de chômage que j’en ai fait un burn-out, regardez comme je suis incroyable ! ». Ah mais les humanités c’est bouchés, c’est pour les ratés. Comme si ça l’était pas à court terme pour ma soeur et ses confrères, qui ont refusé des contrats prometteurs… Mais eux ils font nucléaire, pas littéraire !, au moins ça donne ce que ma grand-mère appelait « une situation ».

    Retour à l’ennui (le tour des clichés)

    C’est pas grave, je suis un chat de gouttière, j’ai déjà une situation. Les réflexions je me les carre dans le fion, c’est bon pour le transit et ça me permet d’écouter, lire, pour mieux voir ce que l’on ne veut/peux dire pour mieux l’écrire.

    Lire aussi :
    Luba Jurgenson, Sortir de chez soi – Une lettre d’amour aux écrivains passeurs des textes
    09/06/2024 – Si je fleuris, traduis, écris, c’est grâce à mon sale caractère…
    29/07/2023 – Tribulations nocturnes à deux heures du matin

    L’ennui, part fondamentale du processus créatif

    Ce qui nous amène au fond de mon propos : l’ennui est primordial. Il est premier dans la création, l’écriture. Il permet d’ajouter de nouvelles cordes à son arc. Parfois il faut prendre de s’ennuyer pendant un projet, et débiaboliser le phénomène de la page blanche. Dans ces cas là, faites comme Virginia Woolf : marchez, lisez (Virginia WOOLF, Journal d’un écrivain, 10-18). Elle aussi intégrait de grandes périodes d’ennui dans son processus créatif, et c’est désormais une des plus grandes autrices en langue anglaise.

    Surtout, dans une société capitaliste qui nous demande d’être toujours plus productifs, d’effectuer un acte de rébellion qui parait inoffensif, mais reste pourtant fondamentalement nécessaire. Le contraire revient à vendre son art au capital.

    Si vous préférez, c’est ce qui vous faire dire quand vous écoutez un chanteur connu depuis un temps « c’était mieux avant« . Alors, bon sang, laissez leur le temps d’être fainéants !

    En tous cas, attendez moi ou pas, je continuerai à poncer.

    Barbara Ferreres, 2024, Tous droits réservés.

    Photo : Barbara Ferreres, 2024, tous droits réservés. Station de métro Bellecour à Lyon (panneau lumineux). Appareil photo numérique fujifilm XS-10 objectif fujinon 15-45mm, édité avec l’aide d’adobe lightroom, vaporgram et glitch cam (oui faut que je prenne des cours).


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